Nous avons souvent entendu ou lu cette affirmation dans les médias ces temps-ci, dans le contexte du nouveau coronavirus et nous avons pu apprécier à quel point les réseaux sociaux en sont saturés !
L’ultracrépidarianisme, ce mot quasiment imprononçable, apparaît pour la première fois en 1819 et se définit par le fait de donner son avis ou des conseils dans un domaine dans lequel nous n’avons pas de compétence.

Donner son avis ou des conseils dans un domaine dans lequel nous n’avons pas de compétence

Pendant l’épidémie, des ultracrépidariens, prétendus experts, parfois même médecins (mais certainement pas infectiologues) se sont prononcés sur des problématiques qu’ils ne connaissaient pas parfaitement d’autant que les connaissances sur le sujet sont particulièrement en mouvement.
L’incertitude due à la nouveauté de ce coronavirus, la complexité de la situation inédite, appelle à une recherche de solutions, et les experts en tous genres (sauf en celui du SARS-CoV-2) se sentent alors le devoir absolu de fournir des explications simples afin de rendre un peu de stabilité au monde ébranlé.
Le point difficile ici, c’est qu’à vouloir simplifier des cas complexes, on a tendance à déclarer « vraies » les idées qui nous plaisent.
Cette façon de régler les problèmes en se fiant à son intuition, voire pire, comme Donald Trump qui affirme fonctionner à l’instinct, permet à la personne incompétente de se présenter comme un sachant.

Je fonctionne à l’instinct
Donald Trump (24/03/2017)

Il faut déjà éclaircir le fait que la plupart des ultracrépidariens sont plutôt de bonne foi, et se pensent eux même sachants. Or, on ne peut savoir qu’on est incompétent que si on est compétent.

Survolé un sujet, pour avoir l’impression de le maîtriser parfaitement ?

Vous en avez d’ailleurs surement fait l’expérience ; Lors de vos apprentissages, plus vous étudiez le sujet, moins vous avez le sentiment de le cerner, et plus vous approfondissez. Et à l’inverse, alors que vous avez seulement survolé un sujet, vous pouvez avoir l’impression de le maîtriser parfaitement.
Ce biais cognitif a été décrit par deux psychologues américains David Dunning et Justin Kruger en 1999 et est appelé biais de surconfiance, ou effet Dunning-Kruger.

Alors, pourquoi les incompétents se trouvent si doués et les personnes compétentes sous-estiment leur niveau ?

Pour comprendre, il faut retourner en 1995 où Mc Arthur Wheeler décide de dévaliser deux banques. Il est arrêté le soir même. Il faut dire qu’il opéra sans masque, seulement enduit de jus de citron, pensant que si le jus de citron peut servir d’encre invisible, qui apparaît seulement à proximité d’une source de chaleur, il peut sûrement dissimuler un visage humain. Partant de ce fait divers, Dunning et Kruger se demandent ce qui a poussé Mc Arthur Wheeler à agir de manière aussi « géniale ».
Les chercheurs mènent des expériences et montrent que c’est bien l’incapacité à se rendre compte de ses erreurs et de son incompétence dans certains domaines qui est responsable de ce type de comportement.
Mais attention, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas la vantardise qui anime ces personnes, mais simplement la mauvaise estimation de leurs propres capacités.

A l’inverse leur travaux ont pu montrer que les personnes très compétentes ont tendance à sous-estimer leurs capacités en pensant que les autres sont plus doués qu’elles ne le sont et que les tâches faciles pour elles le sont aussi pour les autres.

Ainsi, ceux qui sont moins bons, se jugent meilleurs qu’ils ne le sont, sans pour autant croire qu’ils sont les meilleurs. Et inversement, ceux qui sont plus doués, se jugent moins bons qu’ils ne le sont, sans pour autant croire qu’ils sont mauvais.
En effet, une personne incompétente tend à surestimer son niveau de compétence, car elle ne parvient pas à se rendre compte de son degré d’incompréhension, ni à reconnaître la compétence de ceux qui la possèdent véritablement.
Cependant si la formation de ces personnes mène à une amélioration significative de leurs compétences, elles pourront alors reconnaître leurs lacunes antérieures.

Nous voyons que ce biais intellectuel a énormément de répercussions, que ce soit dans le monde du travail, dans la vie privée, ou dans l’établissement d’un diagnostics. D’ailleurs, les effets de ce biais de surconfiance ont été particulièrement remarquables lors de la crise du coronavirus.

Et oui ! L’ignorance provoque plus fréquemment la confiance en soi que ne le fait la connaissance ! Reste à savoir, l’idée que vous défendrez bientôt…

A propos de Roseline Bueder

Entre deux consultations, je m'adonne à la fouille psychologique d'insolites, que j'expose dans mes articles de blog et sur ma page Facebook. Psychologue, Hypnothérapeute et ex-chercheur en neurosciences comportementales, je dispense mes conseils et astuces pour mieux vivre votre quotidien.