On se lève tous pour Danette !!!! Je parie que le slogan chanté va trotter quelque temps encore  dans votre esprit avant que vous puissiez vous en débarrasser ! C’est ce qui s’est produit pour moi hier soir dans le métropolitain (qui sentait bon le bassin parisien, bon ok j’arrête^^) à la vue de cette affiche.

Pourquoi ces fragments de mélodies vous pourrissent la vie ?

Avez-vous autour de vous des enfants fans de la reine des neiges ? Si c’est le cas il se peut que “Let it go” boucle de temps en temps dans votre esprit… Ces fragments de mélodies qui vous pourrissent la vie sont décrits par James Kellaris professeur en marketing, chercheur, instrumentaliste et compositeur de musique classique contemporaine, d’une manière peu ragoutante comme des “vers d’oreille“. 
Il explique ce phénomène comme des “démangeaisons cognitives“, plus vous grattez, plus ça démange, mais vous ne pouvez pas vous empêcher de gratter.
La seule façon d’être un peu soulagé serait de se répéter le fragment de mélodie, mais plus vous allez le répéter ou “gratter”, plus la “démangeaison” va perdurer dans le temps. 

James Kellaris, montre, que la plupart d’entre nous ont eu un jour ou l’autre un “ver d’oreille”, même si nous ne sommes pas tous égaux face à ces attaques: il semble que les femmes, les musiciens et les personnes anxieuses, fatiguées ou stressées sont les premières victimes de vers d’oreille. 

Les démangeaisons cognitives : les vers d’oreille

Comme vous devez en douter, le ver d’oreille n’est certainement pas une vraie bébête et ne se situe pas dans l’oreille. Ce mécanisme sévit plutôt au niveau du cortex auditif où nos souvenirs sonores sont stockés, comme David Kraemer, chercheur en sciences cognitives, et son équipe l’ont montré en 2005.
Dans cette étude, les expérimentateurs ont observé l’activité cérébrale de participants en leur faisant écouter des mélodies (certaines connues, d’autres non). Puis, ils interrompaient la chanson 3 à 5 secondes sans prévenir les sujets. « Pour les mélodies familières, l’activité du cortex auditif, se poursuit dans les silences ;  c’est comme si le cerveau des participants continuait de chanter les notes manquantes” explique David Kraemer. 
En conclusion le cortex auditif qui est actif lorsqu’on écoute une chanson se réactive lorsqu’on imagine simplement l’entendre à nouveau.

Clara James professeur à la haute école de santé de Genève et directrice de The Geneva Musical Minds Laboratory (GEMMI lab), affirme que les vers d’oreille révèlent d’abord notre culture musicale. Pour quelqu’un qui n’écoute que de la musique populaire le ver d’oreille sera différent de celui d’un musicien confirmé en musique classique. Les vers d’oreilles sont très reliés au contexte émotionnel dans lequel la mélodie s’est inscrite dans nos souvenirs.

Pas besoin d’écouter une mélodie pour faire chanter le cerveau !


Au niveau du cerveau, ce qui définit le ver d’oreille, c’est qu’il n’y a pas de stimulus perceptif – il n’y a pas de son réel- comme pour l’affiche de Danette, et malgré tout, l’activité cérébrale surtout dans les aires auditives est très similaire entre cette imagerie mentale du son et l’écoute de cette musique en réalité. 

Hormis le paramètre culturel qui est propre à chacun, il semble que les vers d’oreille partagent quelques caractéristiques communes dans leur structure pour bien se greffer dans la mémoire. La complexité du son ne doit pas être trop élevée pour que le pattern puisse boucler indéfiniment et comme on l’a vu, les mélodies devraient évoquer des émotions. 

Il semble que ce soit la fonction de mémoire à court terme qui est recrutée par le ver d’oreille et en particulier celle qu’on nomme la mémoire de travail. En effet, l’information en mémoire de travail est supportée par une boucle phonologique, au sein de laquelle l’information verbale est maintenue par un mécanisme de répétition subvocale avant d’être restitué (l’effet de répétition du pattern musical du ver).

Qui gagne la compétition du ver d’oreille le plus tenace ?
Je pense que la palme revient à Maurice Ravel pour son Bolero. Le mécanisme répétitif de la mélodie accrocheuse s’acharne particulièrement avec un rythme constant, et ce, depuis un siècle sans compter l’influence qu’il a eu sur de nombreux artistes par la suite.  

Comment faire pour s’en débarrasser ?

Il suffit de perturber l’effet de répétition en interférant avec un signal compétitif (une autre mélodie par exemple mais qui pourrait devenir un nouveau ver). On peut aussi utiliser d’autres fonctions exécutives comme faire un calcul mental ou encore en contaminant les autres de son propre ver d’oreille, il parait que ça soulage… Oui, vous avez deviné.. c’est finalement peut être la raison ultime de cet article..

Références
Baddeley, A. D. (1986). Working memory Oxford: Oxford University Press.
Kellaris, James J. “Dissecting Earworms: Further Evidence on the ‘Song-stuck-in-your-head’ Phenomenon.” Eds. Christine Page and Steve Posavac. Proceedings ofthe Society for Consumer Psychology Winter 2003 Conference. New Orleans, LA:American Psychological Society, 2003: 220-222.
Kraemer, David J.M., C. Neil Macrae, Adam E. Green, and William M. Kelley. “Musical Imagery: Sound of Silence Activates Auditory Cortex : Nature.” Nature Publishing Group : Science Journals, Jobs, and Information. Nature Publishing Group, 9 Mar. 2005. Web. 26 Feb. 2011.

A propos de Roseline Bueder

Entre deux consultations, je m'adonne à la fouille psychologique d'insolites, que j'expose dans mes articles de blog et sur ma page Facebook. Psychologue, Hypnothérapeute et ex-chercheur en neurosciences comportementales, je dispense mes conseils et astuces pour mieux vivre votre quotidien.