Psychothérapie
Addiction
L’addiction c’est l’impossibilité répétée de contrôler un comportement et la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives.
Il y a donc quelque chose dans l’addiction de l’ordre de la perte de contrôle de la consommation raisonnable. C’est quelque chose que l’on répète malgré ses effets néfastes.
On sait qu’il existe des addictions comportementales (au sexe, au jeu) et les plus classiques, les addictions aux produits (tabac, drogues, alcool…), avec usage nocif et dépendance à ce produit.
Au moyen âge, l’addiction était confondue avec un pêché, une faiblesse morale, un vice et donc on s’appuyait sur la bonne volonté la religion etc… C’est ce qui a mené à la prohibition de l’alcool dans les années 1920.
Puis, dans les années 1970, et dans une vision très sociétale de l’addiction, on en a fait un fléau social et on a lutté à travers des associations de lutte contre ces fléaux sociaux qu’étaient l’alcoolisme et la toxicomanie.
Dans les années 1980, née la conception biopsychosociale de l’addiction. Pour comprendre un phénomène il faut comprendre la rencontre entre un produit, un individu et un environnement.
Les années 90/2000 ont été le primat de l’explosion de la compréhension des mécanismes neurologiques à la base des addictions. Aujourd’hui, on en arrive à l’objectif de vouloir réduire risques et dommages les plus pragmatiques en agissant sur chacun des paramètres individuels, psychologiques et sociaux.
L’addiction qui était alors considérée comme un vice, est démontrée à partir des années 90/2000 comme une maladie du cerveau, l’addiction ne serait pas une faiblesse, ne serait pas un vice, mais, à un moment, ce qui était plaisir contrôlé devient incontrôlable et là, le cerveau ne fonctionne plus comme il fonctionnait auparavant, pendant l’addiction c’est donc cette perte de contrôle de la consommation qui est très particulière et significative.
A savoir, on ne devient pas dépendant comme on allume un interrupteur, ce n’est que petit à petit que l’on perd le contrôle de ses consommations. C’est ce qui est le plus difficile à comprendre: Comment quelque chose qui était plaisir, va devenir besoin puis souffrance ?
La conduite addictive consiste en une répétition du comportement en dépit des conséquences négatives, l’individu ayant perdu la liberté de s’abstenir. On peut considérer qu’il s’agit ici d’un comportement appris, d’un conditionnement qui conduit dans un automatisme comportemental afin d’éprouver du plaisir ou de se soulager d’une tension.
Ainsi, au cours du siècle passé, différents courants thérapeutiques se sont succédés pour traiter les conduites addictives et retrouver cette liberté (la psychanalyse, les Thérapies Comportementales et Cognitives, la thérapie systémique, traitements médicamenteux spécifiques…).
Depuis une dizaine d’année, de nouvelles psychothérapies basées sur un « état de conscience modifiée » sont proposées.
Que signifie « état de conscience modifié » ?
Etat de conscience modifié et état de conscience ordinaire sont des états de veille.
Pourtant on a l’habitude de différencier l’état de conscience modifié de l’état de conscience ordinaire. En effet, ce dernier est caractérisé par la capacité de réaliser les tâches quotidiennes auxquelles nous sommes confrontés, avec notamment une activité cérébrale intense où prédomine une pensée fondée sur le raisonnement. Entre le sommeil et l’état de veille ordinaire, se trouve ainsi un ensemble d’états auxquels on attribue le terme d’états de conscience modifiés. Du point de vue neuropsychologique, l’électroencéphalographie (EEG) permet de mesurer différentes fréquences d’ondes qui confirment la diversité de ces états. Les ondes dites Béta (> 12 Hz) correspondraient à l’état de veille ordinaire. Les états de conscience modifiés appartiennent quant à eux à des fréquences variant entre 8 et 12 Hz (ondes Alpha) et 4,5 et 8 Hz (ondes Thêta). Les ondes Delta (< 4,5 Hz) sont quant à elles caractéristiques du sommeil profond.
Il est important de préciser qu’on accède spontanément à ces différents états oscillant entre veille et sommeil, comme par exemple lorsqu’on conduit une voiture, l’esprit un peu « ailleurs » ou lorsqu’on est pris de rêverie en lisant un roman.
Certaines techniques, comme la méditation, la relaxation ou l’hypnose, peuvent activer ces états de conscience modifiés afin de mieux en exploiter leur potentialité.
Techniques psychothérapeutiques basées sur des états de conscience modifiés
Lorsque l’esprit s’évade dans une rêverie pendant une activité, l’état de conscience modifié est vécu spontanément, et n’est pas forcément thérapeutique. Cette capacité que le corps a, peut toutefois nous permettre de nous relaxer ou de prendre de la distance avec certains événements.
Toutefois, les techniques thérapeutiques dont nous parlerons ne se limitent pas à provoquer cet état de conscience modifié. Ces thérapies s’intègrent avant tout dans une relation thérapeutique visant un objectif préalablement établi par le patient et le praticien. Elles sont de plus en plus utilisées et également dans le cadre des traitements traditionnels en addictologie.
Si nous réfléchissons aux effets de l’addiction comportementale ou à une substance nous constations que ces effets produisent un état de conscience modifié.
Est-il paradoxal de rechercher un état de conscience modifié alors que les effets de la substance ou du comportement addictif en produisent justement un ?
Comme nous l’avons vu, générer un état de conscience modifié n’est pas suffisant pour que ce soit thérapeutique, c’est dans la relation patient-praticien, que nait le potentiel thérapeutique.
Certaines approches thérapeutiques qui induisent cet état de conscience modifié, comme l’hypnose ou l’EMDR/IMO, ont donc émergé ces dernières années en addictologie. Pour Roustang (1991), à propos de l’hypnose, outre le traitement symptomatique, c’est-à-dire, désengager notre « pilote automatique » pour changer la fonction de la pensée, le but est d’induire cet état de conscience modifié pour permettre au patient de retrouver l’intégrité et l’équilibre de sa personnalité.
Utiliser l’hypnose pour traiter les addictions
En addictologie, l’hypnothérapeute cherchera tout d’abord à questionner la motivation du patient. La thérapie pourra ensuite s’intéresser à l’objet addictif, afin d’atténuer son pouvoir attractif. Dans cette approche symptomatique, on pourra induire une sensation répulsive à l’objet addictif ou alors un état de bien-être ou de liberté associée à l’état d’abstinence déjà expérimenté ou dans lequel on se projette.
Mais l’hypnose propose aussi un travail « en profondeur », c’est-à-dire, centré sur les facteurs émotionnels possiblement à l’origine du comportement addictif.
L’addiction peut être en effet comprise comme un comportement qui a pour fonction de solutionner une problématique traumatisante ou émotionnellement difficile.
Le travail hypnotique consistera avant tout à développer des ressources pour que le sujet puisse faire face à ses émotions perturbatrices. L’hypnose peut ainsi transformer la perception d’une situation dans laquelle le patient se sent bloqué, en l’amenant à chercher et utiliser des ressources qu’il possède déjà ou qu’il va développer grâce à la thérapie.
Utiliser l’I.M.O. pour traiter les addictions
Technique voisine de L’EMDR (mouvements oculaires de désensibilisation et de retraitement), l’intégration par les mouvements oculaires (IMO) est une technique thérapeutique où le patient, guidé par le praticien, effectue des mouvements avec les yeux afin de traiter des traumatismes psychologiques et les blocages qui en résultent. D’abord utilisée pour les états de stress post-traumatique (ESPT), elle a été aujourd’hui élargie à « d’autres symptomatologies d’origine traumatique.
Cette approche, relativement nouvelle, créée en 1989 par Connirae et Steve Andreas, de Boulder, au Colorado s’apparente par certaines caractéristiques à l’hypnose.
La thèse sous-jacente et défendue par les auteurs est la suivante :
La direction du regard indique le type d’information auquel le cerveau est en train d’accéder.
Par exemple, une personne qui regarde en haut a souvent accès à un souvenir visuel ; celle qui regarde à droite ou à gauche, à un contenu auditif ; celle qui regarde en bas, à des ressentis.
À partir de ce principe: si on oblige un patient, lorsqu’il est en contact avec un souvenir traumatique, à regarder dans différentes directions, on pourrait forcer le cerveau à accéder à de nouvelles informations sensorielles auxquelles le patient ne peut accéder consciemment.
Pourquoi l’IMO serait efficace comme traitement de la conduite addictive ?
« La dimension psychotraumatologique joue un rôle central et caché dans la genèse des addictions, on peut retrouver des antécédents traumatiques dans les addictions dans plus de 50% des cas, certaines études allant même jusqu’à 80% » (Besson, 2011).
A ce titre, l’IMO pourra être prescrite dans le cas de comorbidités traumatiques associées à l’addiction.
De plus, les mouvements oculaires ont déjà été proposés avec la technique EMDR pour modifier le souvenir de l’addiction. Le Dr Hase (Hase, 2010) a mis au point une technique EMDR adaptée à la problématique addictive. Dans son approche, l’EMDR s’intéresse aux traumas susceptibles de générer l’addiction mais également au retraitement de la mémoire liée à la prise de produits.
Conclusions
Les mouvements oculaires sont particulièrement indiqués lors d’une « comorbidité traumatique avérée ». L’hypnose, quant à elle, possède différents usages en addictologie, mais peut notamment être proposée pour réactualiser les ressources de l’individu (Masson, 2005). Dans une optique psychodynamique, l’hypnose a aussi été proposée pour « permettre au toxicomane de se réapproprier ses processus de pensée, dans une articulation assumée conscient et inconscient » (Miel, 2003).
Références
Beaulieu, D. (2003). Eye Movement Integration Therapy : The Comprehensive Clinical Guide. Wales : Crown House Publishing Ltd.
Hase, M. (2010). Cravex : an EMDR approach to treat substance use and addiction. In Luber M, editor. Eye movement desensitization and reprocessing (EMDR) scripted protocols : special populations. New York : Spinger Publishing. 2010
Leshner, AI (1997). Addiction is a brain disease, and it matters. Science 278:45–47.
Masson, J. (2005). L’outil emdr en alcoologie, réflexions théoriques et cliniques, Psychothérapies, 2005/2, Vol.25 :117-123
Miel, C. (2003). Hypnose et toxicomanie : la remobilisation des processus de pensée, Psychotropes 1/2003, Vol.9 : 95-108
Roustang, F. (1991). Influence, Les éditions de Minuit
Shapiro, F. (1989a). ” Efficacy of the eye movement desentitization procedure in the treatment of traumatic memories “, Journal of Traumatic Stress, 2 (2), 199-223.