Quand on regarde une photographie ou une vidéo de soi, on est très souvent surpris, on a du mal à se reconnaître comme si la représentation que l’on avait de sa propre personne ne correspondait pas à la « réalité » que nous renvoie le support photo ou vidéo.
En général, on est déçu par l’image renvoyée, notre représentation de soi est en quelque sorte idéalisée, plus généreuse, plus protectrice envers notre « personne ». Ce phénomène un peu déroutant mais bien connu de tous a été étudié scientifiquement par les psychologues à partir du milieu des années 80.
C’est Taylor et Brown (1988) qui ont ainsi mis en évidence l’existence d’un biais cognitif : l’illusion positive.
L’illusion positive est la propension chez l’adulte en bonne santé mentale et physique de se trouver plus jeune, plus intelligent, plus beau que ce qu’il n’est en réalité.
L’étude expérimentale de ce biais passe généralement par la comparaison entre une auto-évaluation (des personnes étrangères doivent estimer sur la même échelle l’attractivité de la personne étudiée) et une hétéro-évaluation (des personnes étrangères doivent estimer sur la même échelle l’attractivité de la personne étudiée) .
On peut avec une méthodologie similaire étudier le quotient intellectuel (QI). On demande ainsi à des sujets d’estimer cette valeur pour eux-mêmes et on compare ensuite ce « QI » estimé au QI réel mesuré par un test standardisé. Les résultats montrent que l’auto-évaluation génère des scores légèrement plus élevés que l’hétéro-évaluation standardisée.
L’illusion positive doit rester cependant dans des valeurs raisonnables. Prenons l’exemple de l’âge. Imaginons ce qu’on évalue l’âge « perçu » d’une femme de 50 ans en lui demandant par exemple d’estimer l’âge que lui donnerait une personne qui la croiserait dans la rue. Si une femme de 50 ans répond « 45 ans », la sous-estimation de l’âge reste dans une limite raisonnable (-5 ans). En revanche, si cette personne répond « 25 ans », la sous-estimation est trop importante et révèle un problème, d’origine vraisemblablement narcissique. Généralement, on deçà de 15 ans, la sous-estimation de l’âge commence à devenir symptomatique d’un problème lié à son image.
Il a été montré à contrario que les personnes dépressives avaient une illusion positive défaillante. Chez les patients dépressifs, les scores entre auto-évaluation et hétéro-évaluation sont similaires (absence d’illusion positive) et signent le malaise psychique de dépréciation de soi présents dans la dépression. Cette découverte a révolutionné le concept de santé mentale. En effet, jusqu’à cette découverte, le modèle de la santé mentale reposait sur le présupposé que l’individu « normal » , sans pathologie mentale, avait une perception juste de lui-même et des autres.
En revanche, l’individu souffrant d’une pathologie mentale pouvait présenter une mauvaise perception de soi et/ ou des autres. Ce que nous enseigne l’illusion positive, c’est que l’individu normal a une perception de lui-même légèrement fausse, à son avantage et que dans certains cas comme dans la dépression, cette illusion est défaillante. La personne dépressive, ayant finalement une perception d’elle-même, plus juste, peut-être plus clairvoyante que le sujet normal. Cette illusion positive aurait un rôle protecteur vis-à-vis de la représentation de soi.