Il y a une problématique de couple célèbre, qu’une majorité de psychothérapeutes rencontre dans l’exercice de sa pratique. Cette plainte, indifféremment formulée par des hommes ou par des femmes, pourrait se résumer comme suit:

« J’aime mon compagnon/ ma compagne, à priori, j’aime faire l’amour, mais je n’ai plus du tout de désir sexuel. »

Généralement, la personne demande au thérapeute de l’aider à retrouver son désir sexuel lorsqu’il s’agit d’une thérapie individuelle, ou bien la demande va être formulée dans le cadre d’une thérapie de couple, et là, c’est une situation où il y a un des deux partenaires qui est dans l’attente, et l’autre qui est fautif de ne pas désirer.

D’ailleurs c’est à ce dernier que sont fait les reproches.

Ne pas réussir à retrouver son désir

Alors, le « fautif », se sent coupable de dysfonctionner, coupable de ne pas réussir à retrouver son désir et coupable de faire souffrir l’être qu’il aime et de mettre son couple en péril. Et pour l’autre, qui est dans l’attente, c’est aussi extrêmement difficile, parce qu’il se sent frustré, sexuellement, et rejeté.
Parce que, même si, il y a une différence entre le fait d’être rejeté et le refus, il n’empêche que dans la réalité, la personne à qui le refus est imposé, a de fortes chances de se sentir rejetée et mal-aimée; de plus, à force d’entendre des refus, elle ne sait plus comment aborder l’autre.

Alors, elle se met à douter, à douter de sa capacité de séduction, à douter d’elle-même, et même à douter de la légitimité de son propre désir.
Et pour certaines personnes, souvent des femmes (mais pas toujours), cette position basse de demande, peut être vécue comme quelque chose d’extrêmement humiliant.
C’est une situation tellement difficile, et bien évidemment, chacun initie la mise en place de processus d’évitement.
À savoir, ne plus se coucher à la même heure, avoir plein de choses à faire très importantes sur l’ordinateur jusqu’au milieu de la nuit parfois, s’’endormir subitement en tout début de soirée, avoir un lumbago, mal à la tête, enfin toutes sortes de choses qui vont permettre d’éviter ces moments d’intimité où les questions suivantes vont se poser :

  • « Est-ce qu’on fait l’amour, ou pas ? »
  • « Est-ce que le désir va être là, ou pas ? »
  • « Et s’il est là, est-ce qu’il va rester ? Est-ce qu’il va tenir jusqu’au bout ? »

C’est comme si le désir devait être une sorte de garant amenant la preuve que, l’on est bien une vraie femme ou un vrai homme, qu’il y a vraiment de l’amour, qu’on est un vrai couple, en oubliant complètement qu’on peut avoir du désir pour quelqu’un qu’on n’aime pas et avec qui on n’a pas du tout l’intention d’être en couple !

Ainsi, le désir se retrouve chargé de tas d’enjeux qui font que l’attente de son apparition est vécue dans l’angoisse, dans l’appréhension, qui dégénère généralement en dispute, et à la fin, le couple arrête d’avoir de la sexualité. Ce qu’il vit généralement comme un échec est d’autant plus cruel que la société, les médias, l’époque diffusent le message que si on veut réussir sa vie, il faut avoir une vie sexuelle épanouie.

Cette traque du désir, empêche alors tout désir d’arriver

Finalement, c’est un paradoxe : sois spontané, fait-on comprendre implicitement (ou explicitement) à son partenaire !
Ce n’est donc juste pas possible. Il n’y a pas besoin d’avoir une pathologie particulière. N’importe qui d’équilibré, projeté dans la situation de devoir avoir du désir sexuel, suivant l’idéal du couple, régulièrement, spontanément, définitivement, se met la pression de remplir un quotas, un objectif, sinon… il rate sa vie sexuelle, n’est plus tout à fait un homme ou plus tout à fait une femme, et en plus met son couple en danger.
Paradoxalement toujours, plus on va essayer de faire revenir ce désir, plus on va le faire disparaître.

Bon… et si on envisageait de considérer les choses sous un autre angle?

Comme arrêter d’attendre ce désir et même accepter de s’en passer !

C’est là, qu’il peut être proposé au couple de décider quand faire l’amour, plutôt que de laisser le désir décider à sa place. Quand on parle de faire l’amour, cela veut dire avoir des relations sexuelles ensemble, avoir du plaisir sexuel ensemble. Et comme le couple l’aura décidé ensemble, l’engagement aura été pris ensemble, et le couple fera l’amour avec ou sans désir.

Oui… avec ou sans désir, les réactions entendues peuvent être:

  • « Ah non non non, ça c’est pas possible du tout ! »
  • «C’est pas possible. Je ne veux pas que ça soit obligé ! »
  • « Moi ce que je veux, c’est que l’autre me désire, c’est que l’autre ait envie de moi… Voilà, c’est de ça dont j’ai envie ! Je veux pas que ce soit obligé ! »

Situation complexe, n’est-ce pas ? Et pourtant, si le couple veut retrouver du plaisir ensemble, dans la sexualité et sortir de ce cercle vicieux, il va falloir changer de posture et décider, et donc renoncer à la toute-puissance du désir.

Et puis, d’autres réactions sont aussi possibles :

« Ah non, on peut pas programmer ces choses-là, c’est pas possible, ça va être artificiel, il faut que ce soit naturel et spontané, je veux pas programmer ça. »

C’est une idée reçue, et qui fait beaucoup de mal.
Quand vous avez rendez-vous avec votre maîtresse ou votre amant, mercredi de 14 heures à 18 heures, c’est prévu !
Vous savez que vous allez faire l’amour, et généralement ça ne pose pas de problème…
Lors de relations à distance, quand votre compagnon/compagne habite à l’autre bout de la France et vient pour le week-end à Paris, vous savez que vous allez faire l’amour le premier soir et probablement le lendemain aussi.
Le fait que ce soit prévu n’est pas un handicap, ça peut même être très positif.

Imaginez… dans quinze jours, vous partez en vacances à l’île Maurice, pendant quinze jours, vous rêvez donc, vous y penser et même… vous prévoyez vos activités, vous essayez vos tenues dans votre cuisine, vos tongs, et dans quinze jours sur la plage vous aurez du plaisir.

En fait, ce dont il s’agit, c’est vraiment de se réapproprier le droit de penser sa sexualité, au lieu de la déléguer au seul désir, de penser sa sexualité non pas comme un problème à résoudre, mais comme un projet que l’on construit à deux.

On fait des tas de projets dans un couple. On fait le projet d’aller au théâtre, d’aller au cinéma, d’aller au restaurant, d’aller en vacances, et on n’attend pas que ce soit la faim ou la fatigue qui nous fasse passer à l’acte. On en parle, on discute, on décide, on prend les places, et puis après on y va.

Et bien là, c’est pareil. Si par exemple, on décide de faire l’amour, pas jeudi soir parce qu’il y a une réunion parents-professeurs, mais mardi : Ça signifie que lundi soir, on ne fait pas l’amour. Donc lundi soir, on va pouvoir être proches, on va peut-être pouvoir se coucher à la même heure, on va pouvoir faire un câlin sans avoir peur de déclencher quelque chose chez l’autre de l’ordre du désir et dont on ne saurait que faire. On va pouvoir être tranquille, être ensemble, parce que notre rendez-vous amoureux avec notre partenaire, ce n’est pas lundi mais mardi.
Et puis mardi matin, peut-être qu’on ne va pas prendre le premier sous-vêtement qui tombe sous la main, on va peut-être un peu mieux choisir…

Et puis pour les hommes, se raser d’un peu plus près, mettre une eau de toilette qui sent bon, parce que le soir, il y a ce rendez-vous amoureux avec son/sa partenaire.
Et, c’est sûr, c’est sans risque de rejet, puisqu’on a décidé ensemble que mardi soir, on aurait du plaisir sexuel ensemble. A l’issue de ce moment, le couple décidera quand fixer un autre rdv amoureux.
Alors, la co-construction de ce projet va laisser émerger des tas d’échanges intéressants dans le couple qui va parler et s’écouter. S’il y en a un qui dit « moi je voudrais recommencer demain » et que l’autre dit : « moi la semaine prochaine, ça me suffit ». Il sera utile de mettre en place des règles, des modalités. Par exemple, « Qu’est-ce qu’on fait si on se dispute deux heures avant ? »

J’ai pensé qu’il pouvait être intéressant de clarifier certains mécanismes, et la possibilité de prendre ces rdvs amoureux, parce qu’évidemment, il est facile de tomber dans ce cercle vicieux agrémenté par le fait que notre société passe le message que c’est le désir qui doit être le maître, le moteur de tout, on oublie qu’on a le droit de penser, le droit de penser sa sexualité, et surtout, de la penser à deux, et de choisir le rythme, le moment, et la façon de faire qui convient aux deux partenaires.

En revanche, il y a quand même un risque encouru… c’est qu’évidemment, à force de provoquer ces rencontres amoureuses, et à force de provoquer le plaisir, le risque… c’est que le désir s’en mêle, et alors, si le désir revient, il serait intéressant de préserver ce fonctionnement, cette permission de penser sa sexualité, et de l’exprimer à deux.

A propos de Roseline Bueder

Entre deux consultations, je m'adonne à la fouille psychologique d'insolites, que j'expose dans mes articles de blog et sur ma page Facebook. Psychologue, Hypnothérapeute et ex-chercheur en neurosciences comportementales, je dispense mes conseils et astuces pour mieux vivre votre quotidien.