Le contexte y est propice, la paranoïa plane dans l’air en même temps que le virus à couronne conquiert de nouvelles terres.
Comment expliquer la vitalité actuelle du conspirationnisme ?
Une équipe de chercheurs en psychologie du Royaume-Uni a tenté de répondre à cette question. Swami et Al. (2016) examinent les associations entre le stress psychologique, l’anxiété et la croyance dans les théories du complot. Ils ont montré sur un échantillon de 420 adultes que des événements de vie plus stressants et un stress perçu plus important prédisaient la croyance aux théories du complot.
En fait, l’une des principales caractéristiques des théories du complot est qu’elles fournissent des explications aux événements sociétaux angoissants.
Il semblerait que cette tendance à croire aux théories du complot permette d’expliquer et de rationaliser des événements complexes du monde réel en désignant un ennemi responsable puissant et mal-intentionné.
Ainsi, le sentiment de perte de contrôle, de vivre dans un environnement sur lequel on ne peut plus agir, favorise les propositions intellectuelles de type conspirationniste, lesquelles visent à expliquer les phénomènes du monde comme étant dus à des volontés puissantes et occultes.
Une étude menée en 2008 par deux psychologues à l’université de Evanston, dans l’Illinois illustre ce que nous venons d’évoquer.
Dans cette expérience, on montrait des indices à des participants à travers un écran d’ordinateur, et ils devaient deviner les concepts associés à ces indices. A chaque bonne réponse, le programme validait la proposition du sujet (feedbak positif), et inversement, chaque mauvaise réponse était invalidée (feedback négatif).
Progressivement, grâce aux indices cohérents fournis à l’écran, le volontaire finissait par trouver la réponse. Il était alors dans une situation qu’il pouvait parfaitement contrôler, parce que ses choix lui permettaient de déterminer le concept grâce aux indices cohérents fournis par le programme.
D’autres participants étaient placés dans une situation dite d’absence de contrôle, c’est-à-dire que le programme envoyait aléatoirement des feedbacks positifs ou négatifs, que la réponse du sujet soit juste ou fausse.
Ainsi, le choix des participants ne permettait plus d’identifier le concept puisque le feedback s’avérait n’être d’aucune aide.
Dans la deuxième partie de l’expérience, les expérimentateurs exposent les sujets à une situation virtuelle : Ils occupent un poste important dans une entreprise, et leur travail consiste à gérer les heures de présences des employés et leur usage d’internet. Ils sont également supposés être sur le point de percevoir une augmentation. La veille de l’entretien, ils interceptent une conversation sur un ton agressif entre le supérieur hiérarchique et le collègue de bureau. Le lendemain ils apprennent que l’augmentation leur a été refusée.
On demande alors aux participants d’imaginer une explication au refus d’augmentation.
Les personnes testées dans la condition « absence de contrôle » lors de la première partie de l’expérience sont plus enclines à développer des arguments complotistes.
Il semble donc que le fait de voir une volonté organisée derrière un événement restaure une forme de compréhension face au contexte, et l’espoir de retrouver une illusion de contrôle sur la situation. L’esprit humain accorde en effet une valeur psychologique à l’illusion de contrôle ; en effet, les expériences de vie où l’individu perd la maîtrise de son environnement et de son destin ne sont jamais bien confortables.
Le complotisme frappe particulièrement lorsque, pour une raison objective ou fantasmée, les personnes ont ce sentiment de dépossession et d’absence de contrôle sur leur environnement.
Les théories du complot deviennent alors une forme de stratégie mentale pour lutter contre une situation anxiogène.
Alors à votre avis, est-il plus réconfortant d’adhérer à la thèse qui défend que le coronavirus a été créé par l’institut Pasteur, ou plutôt à celle qui l’imagine avoir été développé dans un laboratoire à Wuhan, comme stratégie de la Chine pour mettre à genoux l’économie mondiale ?
Ou encore à celle des médicaments qui seraient efficaces contre la Covid-19, mais dont la distribution serait bloquée pour ne pas nuire aux intérêts des grands labo pharmaceutiques ?
Laissez votre paranoïa choisir… en commentaires !
Šrol, J., Mikušková, E. B., & Cavojova, V. (2020, March 31). When we are worried, what are we thinking? Anxiety, lack of control, and conspiracy beliefs amidst the COVID-19 pandemic.
Swami, V., Furnham, A., Smyth, N., Weis, L., Lay, A., & Clow, A. (2016). Putting the stress on conspiracy theories: Examining associations between psychological stress, anxiety, and belief in conspiracy theories. Personality and Individual Differences, 99, 72–76.
Whitson, J. A., & Galinsky, A. D. (2008). Lacking control increases illusory patternperception.Science,322,115–117