Le neurofeedback figure en tête de liste des outils prouvés «scientifiquement». Comme d’autres techniques populaires telles que les jeux de cerveau informatisés, le neurofeedback, est très tendance depuis quelques années. Il consiste à utiliser un processus d’apprentissage pour “entraîner le cerveau à modifier et à réguler son activité cérébrale” .
Cependant l’efficacité observé de l’outil ne serait pas dû à l’outil lui même et pourrait bien relever… majoritairement de l’effet placébo !
L’absence de protocole standardisé rend la technique très difficile à évaluer. D’autant que des offres non médicales et à but marchand se développent sur le web et sont désormais directement accessibles par le public. L’objectif de cet article qui reprend les conclusions sur le domaine de Robert Thibault Michael Lifshitz et Amir Raz, trois chercheurs de l’université McGill de Montréal (Canada) n’est pas de décrédibiliser le neurofeedback mais de comprendre comment en tirer parti d’une manière prudente sur le plan scientifique et approuvable sur le plan de l’éthique.

Définissons quelques mots avant de commencer la lecture :

  • Neurofeedback: une procédure dans laquelle les individus apprennent à moduler les signaux de leur propre activité cérébrale en temps réel; souvent utiliser pour auto-réguler les processus neuronaux à des fins thérapeutiques. Cette technique permet d’enregistrer l’activité cérébrale électrique grâce à des capteurs placés sur le cuir chevelu et reste la forme la plus populaire de neurofeedback.
  • Neurofeedback simulé : C’est la réaction d’un signal cérébral d’un autre participant utilisé comme condition de contrôle pour isoler l’influence spécifique d’un feedback authentique.
  • Superplacébo : C’est un traitement qui est en fait un placébo bien dont ni le praticien prescripteur ni le patient n’est conscient.

Schabus et son équipe (2017) ont étudié les effets du neurofeedback sur le traitement de l’insomnie; leurs conclusions suggèrent que les bénéfices du neurofeedback pourraient provenir en grande partie des effets de type placébo.

Lors d’une session en neurofeedback, les participants tentent d’auto-réguler un signal de retour (feedback) continu de leur propre activité cérébrale (Sitaram et al., 2016).
Depuis 1970, le neurofeedback est considéré comme une méthode qui donne aux individus la possibilité de percevoir leur propre activité cérébrale par un feedback (retour), lui même censé permettre d’apprendre dans un second temps à moduler cette activité cérébrale en cas de trouble. (par exemple, dans les déficits d’attention ou dans l’insomnie).

À ce jour, cependant, peu d’études ont inclus des groupes témoins ou “contrôle” !

Publications scientifiques au sujet du neurofeedback

Parmi les publications scientifiques parues au sujet du neurofeedback, la recherche récente de Schabus et al. se démarque clairement en proposant des essais randomisés, en double aveugle, avec une condition “neurofeedback simulé”.

Leurs résultats montrent que le neurofeedback peut fonctionner certes, mais pour des raisons très différentes de ce que l’on pouvait lire dans les autres études!

Contrairement à leurs hypothèses qui allaient en faveur de la condition « neurofeedback authentique », Schabus et al. ont donc testé des personnes qui souffraient d’insomnie, ils ont trouvé peu de différences dans les résultats en comparant le « neurofeedback authentique » VS « neurofeedback simulé » (voir la figure 1).

neurofeedback authentique » VS « neurofeedback simulé »
neurofeedback authentique » VS « neurofeedback simulé »

Pour la phase dite « expérience », les chercheurs ont fourni un feedback simulé (ie, placébo). De tels contrôles expérimentaux sont essentiels pour dissocier les effets du “feedback authentique” d’autres influences non spécifiques impliquant la motivation et l’attente.
Dans cette étude, les chercheurs ont constaté que les deux conditions neurofeedback authentique et simulé permettaient d’observer des améliorations comparables dans les évaluations subjectives du bien-être et du repos des sujets.
En revanche, lorsque les chercheurs ont mesuré l’activité cérébrale par polysomnographie, ils ont constaté que le neurofeedback n’avait eu aucun effet significatif sur celle-ci au repos ou durant le sommeil.
Ces découvertes revêtent une importance majeure, puisque les résultats des autres études en faveur du neurofeedback reposent souvent sur des mesures subjectives d’amélioration et non sur des mesures physiologiques/objectives de la capacité à contrôler l’activité cérébrale.

En ce qui concerne la capacité d’autorégulation, elle se stabilise (plateau) après seulement quelques sessions. Ce qui semble indiquer que les facteurs placébo associés jouent un rôle prédominant dans les résultats thérapeutiques peut-être plus intéressant que celui du rôle de la rétroaction.

En prescrivant le neurofeedback, les praticiens doivent considérer quels sont les facteurs responsables de cette amélioration significative observée dans la clinique.

Les résultats positifs observés par Schabus et al., lors de l’évaluation qualitative par le patient sur ses progrès pourraient paraître suffisants pour plaider en faveur de l’utilisation du neurofeedback; après tout, les plaintes des patients concernant les troubles du sommeil, et qui les ont conduit à demander de l’aide, ont diminué significativement.

Cependant, objectivement, la mauvaise qualité du sommeil, reste inchangée, et pourrait éventuellement, si elle n’est pas traitée, conduire à des conséquences néfastes sur la santé sur le long terme.

Ainsi, des améliorations subjectives peuvent satisfaire les patients sur une méthode, et peut être empêcher un traitement de fond en laissant s’installer des problèmes de santé.

L’efficacité clinique du neurofeedback semble ici être remise en question et même si les réponses à l’effet placébo peuvent être puissantes, il faut noter qu’elles ne sont pas toutes équivalentes selon le format de placébo utilisé. Les pilules colorées fonctionnent mieux que les pilules blanches; les grosses pilules fonctionnent mieux que les petites pilules; et les pilules coûteuses fonctionnent mieux que celles bon marché.

De plus, deux pilules placébo soulagent la douleur plus efficacement qu’une; les injections de placébo mieux que les pilules placébo; et les chirurgies placébo l’emportent sur tout ce qui précède (Raz et Harris, 2016).

Que les effets du neurofeedback soient significatifs ou non, cette méthode exige un engagement élevé et immerge les patients dans un environnement technologique à la pointe sur de nombreuses sessions.

De plus, cette forme de neuro-enchantement détient probablement une emprise spéciale sur le raisonnement critique et peut conduire les gens à accepter des explications qu’ils rejetteraient normalement (Ali et al., 2014).

À cet égard, le neurofeedback peut représenter une forme particulièrement puissante d’intervention de placébo – une sorte de superplacébo.

Le neurofeedback repose donc fortement sur des mécanismes de guérison «non spécifiques» (c.-à-d. sur des influences périphériques à l’outil actif supposé responsable d’une intervention).

Cependant, Alors que les chercheurs en clinique vont avoir tendance à écarter les facteurs non spécifiques comme biais méthodologiques, une appréciation plus subtile de ces mécanismes pourraient aider les praticiens à en user pour dispenser un meilleur traitement.

En effet, Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les facteurs non spécifiques peuvent en effet conduire à des changements très intéressants sur le plan psychologique et physiologique (Raz et Michels, 2007).

Une plus grande compréhension scientifique des éléments dits «non spécifiques» responsables d’amélioration avec le neurofeedback serait en effet nécessaire; cela pourrait aider les praticiens à tirer parti de ces facteurs non spécifiques afin d’amplifier les progrès ou le mieux être en continuant d’utiliser le neurofeedback ou d’autres outils thérapeutiques d’ailleurs (ce qui suppose que les praticiens en question doivent avoir une formation qualifiée et disposer d’une vraie connaissance en physiopathologie ou psychopathologie, selon le domaine d’intervention).

Le neurofeedback est actuellement en vogue dans la société occidentale et contrairement à certaines techniques extrêmes, c’est une méthode non dangereuse, elle est non invasive et non basée sur des théories farfelues. Cependant, il est impératif de bien comprendre quels sont les facteurs qui permettent d’améliorer le ressenti des patients et se questionner sur la méthodologie scientifique qui sous-tend chaque expérience menée dans le domaine.

De leur côté, les chercheurs devraient mener des études rigoureuses et rapporter leurs résultats, même si ceux-ci vont dans un sens opposé à leurs prédictions.

Il était d’ailleurs particulièrement intéressant ici de rapporter l’étude de Schabus et al. (2017) dans un Journal phare tel que Brain et de restituer leurs résultats qui se sont avérés non significatifs et à l’opposé de leurs hypothèse de départ.

En effet, les rapports sélectifs et les biais de publication sont apparemment lourds dans le domaine du neurofeedback (Thibault et Raz, sous presse) et s’étendent à travers les domaines pharmaceutiques, les neurosciences, et la recherche scientifique dans son ensemble. Nous devons nous fier aux données, pas à la croyance.

L’étude rapportée dans cet article permet d’avancer sur la question du neurofeedback en démontrant que des expériences bien contrôlées sont non seulement possibles, et indispensables pour comprendre le phénomène.

Et qu’en est il du NeurOptimal ? (voir vidéo)

Nonobstant, le dernier article récent que je viens de rapporter, si le Neurofeedback trouve de quoi s’appuyer sur une littérature riche et des résultats expérimentaux intéressants qui peuvent être discutés que l’on soit en faveur ou en défaveur de l’utilisation de ces applications, ce n’est pas le cas du dispositif “Système Neuroptimal”. La plupart des thérapeutes français disant pratiquer le neurofeedback utilisent en fait ce système. Ils font écouter de la musique au sujet et, avec deux électrodes posées sur son crâne pour soit-disant enregistrer son activité cérébrale, un algorithme qui demeure inconnu détecte des événements mystérieux et provoque une interruption de la musique. Le sujet n’a rien d’autre à faire que de se détendre, car d’après ses promoteurs, le cerveau se remodèle tout seul…

Bien sûr, aucune étude scientifique n’a validé se dispositif de neuroptimal, pourtant distribué aux patients et à leur famille, en dehors des circuits médicaux classiques, ce qui contribue à discréditer la technique du neurofeedback.

Bon, pour conclure en pratique revenons au Neurofeedback (le vrai!)

Le neurofeedback, n’est ni une solution “miracle” ni une solution facile. A l’instar des autres pratiques psycho-corporelles, l’entrainement au neurofeedback est long, progressif, et imploque la participation du sujet au cours des séances ET entre les séances.
Depuis peu, il existe des appareils de neurofeedback portables et bon marché, facile à utiliser de sorte que le sujet peut combiner cette méthode à d’autres techniques comme la méditation. Et là… les possibilités d’harmoniser l’esprit et le corps se cumulent. Car dès que le sujet sait identifier “les sensations cérébrales” liées à la régulation de ses variables psychologiques, il peut les contrôler sans l’aide du dispositif.

Ali S, Lifshitz M, Raz A. Empirical neuroenchantment: from reading minds to thinking critically. Front Hum Neurosci 2014; 27: 357.
Cortese A, Amano K, Koizumi A, Kawato M, Lau H. Multivoxel neurofeedback selectively modulates confidence without changing perceptual performance. Nat Commun 2016; 7: 13669.
Kirsch I, Wampold B, Kelley JM. Controlling for the Placebo Effect in Psychotherapy: Noble Quest or Tilting at Windmills? Psychol Conscious Theory, Res Pract 2016; 3: 121–131.
Open Science Collaboration. Estimating the reproducibility of psychological science. Science (80- ) 2015; 349: aac4716–aac4716.
Raz A, Harris C. Placebo Talks: Modern perspectives on placebos in society. Oxford University Press; 2016.
Raz A, Michels R. Contextualizing specificity: Specific and non-specific effects of treatment. Am J Clin Hypn 2007: 177–182.
Schabus M, Griessenberger H, Gnjezda M-T, Heib D, Wislowska M, Hoedlmoser K. Better than sham? – A double-blind placebo-controlled neurofeedback study in primary insomnia. Brain 2017
Sitaram R, Ros T, Stoeckel LE, Haller S, Scharnowski F, Lewis-Peacock J, et al. Closed-loop brain training: the science of neurofeedback. Nat Neurosci 2016
Thibault RT, Lifshitz M, Birbaumer N, Raz A. Neurofeedback, Self-Regulation, and Brain Imaging : Clinical Science and Fad in the Service of Mental Disorders. Psychother Psychosom 2015; 84: 193–207.
Thibault RT, Raz A. The Psychology of Neurofeedback: Clinical Intervention even if Applied Placebo. Am Psychol Thibault RT, Raz A. Neurofeedback: The power of psychosocial therapeutics. The Lancet Psychiatry 2016; 3: e18.
Thibault RT, Lifshitz M, Raz A. Neurofeedback or neuroplacebo? Brain 2017;140:862–864.

A propos de Roseline Bueder

Entre deux consultations, je m'adonne à la fouille psychologique d'insolites, que j'expose dans mes articles de blog et sur ma page Facebook. Psychologue, Hypnothérapeute et ex-chercheur en neurosciences comportementales, je dispense mes conseils et astuces pour mieux vivre votre quotidien.