Comme vous le savez, ces derniers mois,
le suivi psychothérapeutique par visioconférence s’est démocratisé.
Dans ce contexte,
j’ai pu observer les animaux domestiques interagir avec les patients dans leur environnement, j’ai été surprise de constater que la place de ces fidèles compagnons pouvait être une ressource particulièrement intéressante en thérapie. Je vous en donne un exemple ici.
Apaisé un traumatisme lié à son enfance
J’ai travaillé par visio avec Éric, 37 ans*, sur un traumatisme de son enfance. En pleine séance, alors que nous bousculons ce souvenir très violent, je peux voir mon patient se crisper entièrement, sa respiration s’accélère, ses yeux s’embuent. Ces marques d’anxiété sont évidemment attendues, mais les sensations d’Éric s’intensifient, et il a du mal à reprendre son souffle, répétant à plusieurs reprises « je perds pied, je perds pied ». Au moment où je m’apprête à utiliser un procédé un peu trop savant pour l’apaiser, son chat saute simplement sur ses genoux pour se blottir confortablement contre lui. Machinalement, la main d’Éric se met à le caresser tout doucement. Là, je décide de ne plus rien faire ; mon co-thérapeute est au poil, il prend le relai, et s’en charge parfaitement !
Plus le maître câline son chat, plus il est focalisé sur ce contact, il semble ailleurs, sa respiration ralentit, et c’est tout son corps qui devient plus calme.
Éric observe son chat et sourit. Nous profitons de ce moment pour revenir à l’objet de notre séance qui se poursuit avec bien plus de sérénité d’ailleurs, et ce, malgré la complexité du souvenir évoqué… trauma résolu.
Le chat du patient : un succès thérapeutique
Comme je suis curieuse de ce qui vient de se produire en séance et qui était complètement imprévu, je vais googliser le phénomène, et il semble que dans le domaine des thérapies qui introduisent les animaux, « l’effet thérapeutique » est d’autant plus remarquable quand le comportement de l’animal n’est pas intentionnellement planifié par le thérapeute avant la séance (Bateson 1980), ce qui répond à mon interrogation.
Dans ce sens, les travaux de Véronique Servais sur la relation homme-animal, psychologue et professeur en anthropologie à l’université de Liège, retiennent toute mon attention. Dans un de ses communiqués, elle explique que par sa présence et ses comportements, l’animal apporte de l’altérité dans la situation et permet de développer l’aspect de la communication corporelle.
Les perceptions de l’homme et de l’animal étant différentes, le décalage suggèrerait à l’un et l’autre d’expérimenter des processus créatifs pour réduire cet écart en s’adaptant à des comportements non attendus et inhabituels puisque venant d’un système perceptif appartenant à une autre espèce.
Ainsi, en agissant sur le registre des émotions positives, le contact avec les animaux de compagnie peut sans doute contribuer à une réduction du stress et de la pression artérielle (Qureshi et al., 2009).
C’est sur ces bases que Jean-Yves Gauchet, un vétérinaire toulousain, pense en 2002, un remède insolite, la « ronronthérapie », le bien-être grâce au ronronnement du chat. Il suffirait d’utiliser la faculté d’un chat par son ronronnement pour nous calmer. Il semblerait que par l’écoute du ronronnement, nous pouvons retrouver la sensation d’apaisement. Pour lui, le ronronnement permettrait la production de sérotonine, hormone impliquée dans la gestion des humeurs et associée à l’état de sérénité.
De plus, le ronronnement qui est un son de fréquence basse (20Hz-50Hz) serait bénéfique pour les humains. Combiné au toucher, la vibration se fait sur des petites afférences sensorielles (corpuscules de Pacini) qui entrainent le trajet nerveux jusqu’à des zones du cerveau qui vont sécréter des endorphines, neurotransmetteurs aux propriétés analgésiques procurant une sensation de bien-être voire d’euphorie.
Retrouver de l’apaisement grâce à un animal de compagnie
Les pratiques de médiation animale requièrent la présence d’un thérapeute. En revanche, retrouver de l’apaisement grâce à un animal de compagnie, semble un processus tout à fait possible, hors cadre thérapeutique et avec l’avantage d’être à la portée de tous ; il suffit d’avoir un chat, d’emprunter le chat du voisin ou encore « Le Chat du Rabbin » (Joann Sfar, BD Éditions Dargaud).
Et pour ceux qui n’ont pas de chat à disposition ?
Depuis 2013, les bars à chat comme lieu de détente ont ouvert à Paris. Vous pouvez y déguster un chocolat chaud ou un thé tout en câlinant un ou plusieurs félins et par la même occasion, faire une expérience de retour au calme similaire à celle d’Eric.
Bateson G. (1980). But conscient ou nature. Dans G. Bateson, Vers une écologie de l’esprit. Tome 2 (p 183-188). Paris : Seuil.
Qureshi, A. I., Memon, M. Z., Vazquez, G., & Suri, M. F. (2009). Cat ownership and the Risk of Fatal Cardiovascular Diseases. Results from the Second National Health and Nutrition Examination Study Mortality Follow-up Study. Journal of vascular and interventional neurology, 2(1), 132–135.
Servais V. (2019). “Ronronthérapie”. Les bienfaits des animaux de compagnie sur la santé. Conférence annuelle de l’association “Focus fibromyalgie Belgique”.
Artiste Photographe: Pauline Di Mondo
*identité fictive