Les personnages du film américain « Inception » sont capables de maîtriser leurs rêves, ou en tous cas leurs propres actions dans un rêve, et même de créer les décors d’un rêve. Est-il possible de maîtriser son propre rêve ?

Nos rêves semblent d’un tel réalisme pour notre cerveau

Lorsque nous rêvons, la plupart du temps nous ignorons que nous rêvons. Nos rêves semblent d’un tel réalisme pour notre cerveau endormi que nous leur accordons d’ordinaire un statut de réalité matérielle.
Ainsi que l’a observé Havelock Ellis, ” les rêves sont réels – tant qu’ils durent. ” Ce n’est qu’au réveil, lorsque nous entrevoyons quelques images fugitives de ce qui venait juste de nous traverser l’esprit, que nous reconnaissons qu’il s’agit d’un vécu.
Au matin, ce qui nous paraissait si réel durant la nuit ne semble guère autre chose qu’un tour d’illusionniste, un mirage, ou un rêve. Bien que le terme d’hallucination s’applique à la façon dont nous vivons généralement nos rêves en général, il existe une situation d’exception qui met en cause nombre d’hypothèses sur la nature du sommeil et les capacités du cerveau.
Cette exception significative est qu’il arrive parfois en rêve que nous sachions parfaitement que nous sommes en train de rêver. Cet état mental remarquable est dénommé ” rêve lucide “, un énoncé forgé par le psychiatre néerlandais Frederik Willems Van Eeden en 1913.

Les rêveurs lucides

En effet, certaines personnes peuvent se rendre compte qu’elles rêvent et aller jusqu’à décider du déroulement de leurs rêves. Ces personnes sont des « rêveurs lucides ». Ces derniers procèdent en plusieurs étapes.
D’abord, ils prennent conscience qu’ils rêvent. Ils sont capables de reconnaître leur état de conscience du moment. Lorsque nous nous laissons aller aux rêveries, nous passons d’un état éveillé à un état plus endormi, alors qu’un rêveur lucide fait l’inverse. Il passe d’un état endormi à un état plus éveillé où sa conscience reprend le contrôle de ses pensées.

L’activité du cerveau lors d’un rêve lucide a été étudiée par l’équipe de recherche du psychophysiologiste Stephen LaBerge, de l’université de Stanford.
De ce fait, les chercheurs ont mis en évidence que, généralement, les rêveurs deviennent lucides soit aussitôt après un retour au sommeil paradoxal succédant à un bref réveil, soit lors de périodes d’activation assez intenses au cours du sommeil paradoxal ” phasique “.
Ils ont constaté aussi que les rêves lucides se produisaient plus fréquemment au cours des dernières périodes de sommeil paradoxal. Il ressort que le rêve lucide résulte de la conjonction de facteurs psychologiques et physiologiques: une activation cérébrale suffisante et une attitude mentale appropriée. Le niveau requis d’activation cérébrale ne peut normalement être atteint qu’au cours du sommeil paradoxal phasique, ce qui expliquerait pourquoi il est rarement fait état de rêves lucides au cours des autres stades du sommeil.

Plus précisément, les chercheurs ont enregistré l’activité électrique du cerveau de rêveurs lucides pendant leur sommeil en posant des électrodes sur leur crâne dans le rêve lucide, les fréquences des ondes mesurées de cette façon se modifient par rapport à ce qu’on observe dans en sommeil paradoxal « normal ». Toute la gamme des fréquences comprises entre 13 et 19 hertz est amplifiée alors que les autres fréquences sont diminuées.
En fait, la bande amplifiée forme le rythme « Bêta-1 », caractéristique d’un cerveau éveillé ! En effet on détecte le rythme Bêta-1, par exemple lors d’une concentration intense pour la résolution d’un problème mathématique !
La zone active chez les rêveurs lucides est le lobe pariétal (au sommet du cerveau) de l’hémisphère gauche, également active chez les personnes éveillées participant à une discussion ou concentrées sur un raisonnement, alors que dans le rêve normal, c’est le lobe pariétal droit qui s’active.

Qu’a-t-on constaté pendant un rêve lucide ?

Le corps est endormi et le cerveau est en quelque sorte éveillé. C’est un peu comme si corps et esprit étaient déconnectés. Alors, si on rêve de courir, les zones cérébrales commandant les mouvements des jambes s’activent. Le corps va réagir comme dans une situation réelle. S. LaBerge a demandé à des rêveurs lucides de rêver qu’ils chantaient et qu’ils comptaient.
Il a observé que l’hémisphère cérébral droit des dormeurs rêvant qu’ils chantent s’active, comme c’est le cas chez une personne éveillée qui chante réellement. De même, l’hémisphère cérébral gauche des dormeurs qui rêvent qu’ils comptent jusqu’à 100 s’active, comme c’est le cas d’une personne qui compte à haute voix. Le cerveau du rêveur lucide va alors évoluer dans une sorte de réalité virtuelle et il peut y faire tout ou presque : voler, danser, chanter, voyager etc…

Quel est l’intérêt du rêve lucide ?

Par exemple, Paul Tholey psychologue allemand de l’école Gestalt et un professeur de psychologie et de science des sports a utilisé sa méthode d’induction du rêve lucide pour apprendre à surfer en rêvant.

L’autre jour je faisais du snowboard. J’ai sauté et j’ai regardé ce qu’il se passait avec et sous mes pieds et, en même temps, j’observais l’environnement et le paysage autour de moi. J’ai pris conscience de tout l’espace autour de moi. La perception étant transférée dans la pensée intuitive, j’ai appris et n’avait plus peur.

(http://traumring.info/tholeyconversation.pdf) Et en effet la première fois qu’il monte sur une planche ; il se débrouille. Il affirme que c’est une compétence qui peut être très utiles pour les sportifs ; grâce au rêve lucide, ils peuvent se perfectionner en répétant les mouvements au fil de leurs rêves, leur geste gagne alors en précision…
Mais encore, si vous ne savez pas comment surmonter un conflit avec une personne de votre entourage, vous pouvez rêver que vous retrouvez cette personne dans un endroit calme, et mettre en scène différentes possibilités de réconciliation, pour mieux évaluer ses réactions possibles.
Et il y a d’autres nombreuses applications possibles, notamment chez les personnes dont la vie est perturbée par des cauchemars récurrents. Cette prise de conscience lors du rêve pourrait les aider à surmonter ce type d’épreuve.

Peut-on apprendre à rêver lucidement ?

Selon Brigitte Holzinger, psychologue travaillant à l’institut de recherche sur la conscience et le rêve à Vienne, nous pouvons apprendre à devenir des rêveurs lucides mais avec beaucoup d’entrainement. Certaines personnes, plus imaginatives, sont plus douées que d’autres.
Les méthodes utilisées requièrent d’avoir d’abord développé la faculté de bien se rappeler ses rêves. Elles visent à rendre le sujet conscient qu’il rêve à l’intérieur du rêve en cours.
Divers principes sont applicables, fondés sur la reconnaissance de thèmes oniriques récurrents, l’interrogation suscitée par des situations incongrues, l’intention de trouver un objet dans le rêve, ou simplement l’intention de prendre conscience de son état de rêveur.

Certaines de ces méthodes privilégient l’autosuggestion, une des plus connues étant la méthode MILD (Mnemonic Induction of Lucid Dreams, soit « induction mnémonique de rêves lucides ») développée par Stephen LaBerge. La méthode MILD fait appel à la mémoire prospective. Elle associe un réveil matinal suivi d’une veille d’environ quarante-cinq minutes et, avant de se rendormir, une visualisation et une autosuggestion ayant pour but de se souvenir de prendre conscience dans le prochain rêve.
Dans le même état d’esprit, la suggestion post-hypnotique a aussi été utilisée.
D’autres méthodes s’appuient sur l’examen de l’état de conscience ; C’est le cas de la méthode « réflexive-critique » décrite par Paul Tholey et qu’il a lui-même utilisé pour apprendre à surfer ! Elle vise à exercer durant la journée une faculté critique touchant la conscience de soi et l’environnement, faculté généralement assoupie durant le rêve ordinaire.

Pour ce faire, le sujet met en doute la réalité de son environnement et effectue des « tests de réalité». On trouve dans les textes bouddhistes des idées similaires, à savoir cultiver un état d’esprit particulier durant l’état de veille ou accroître l’attention prêtée à soi et à son environnement (méditation guidée) dans le but de le porter dans le rêve et induire la lucidité onirique.

En résumé, il faudrait commencer par cultiver « sa mémoire des rêves » en s’efforçant de se remémorer le plus de rêves possible au matin, et au besoin, les transcrire dans un carnet; un carnet de rêves. Puis, pendant la journée, on peut y penser de nouveau pour mieux fixer la trace mnésique du souvenir. Enfin, s’entraîner à se poser la question « suis-je éveillé, ou en train de rêver ? » même en état d’éveil afin de s’entraîner à rendre automatique cette question, et qu’elle puisse se poser un jour, ou plutôt une nuit… au milieu d’un rêve.

A propos de Roseline Bueder

Entre deux consultations, je m'adonne à la fouille psychologique d'insolites, que j'expose dans mes articles de blog et sur ma page Facebook. Psychologue, Hypnothérapeute et ex-chercheur en neurosciences comportementales, je dispense mes conseils et astuces pour mieux vivre votre quotidien.